Alors que la polémique enfle autour de la main de Thierry Henry lors des barrages pour la Coupe du monde 2010, la Fédération irlandaise de football (FAI) a officiellement demandé jeudi à la Fifa de faire rejouer la rencontre. Si Giovanni Trapattoni n'y croit pas, les politiques irlandais se rangent aux côtés des joueurs et poussent cette réclamation.
Sean St Ledger et les Irlandais veulent rejouer le match. (Reuters)
Moins de vingt-quatre heures après son élimination dans la course à la Coupe du monde 2010, l'Irlande crie au scandale. Estimant avoir été flouée suite à la main volontaire de Thierry Henry qui a amené l'égalisation de William Gallas et par la même occasion la qualification des Bleus, la Fédération irlandaise de football a officiellement demandé à la Fifa de faire rejouer le match. "La mauvaise décision d'arbitrage flagrante d'accorder ce but écorne l'intégrité de notre sport. Nous demandons aujourd'hui à la Fifa, en tant qu'organisation dirigeante de notre sport, de faire en sorte que ce match soit rejoué", explique ainsi la FAI dans un communiqué.
Une décision soutenue par de nombreux joueurs, qui n'ont pas manqué de contester le résultat dès la fin du match. "J'aimerais rejouer ce match et je crois que tout le monde dans l'équipe aussi", explique ainsi le défenseur Kevin Kilbane, avant de poursuivre: "Sur la pelouse, j'ai demandé à Thierry Henry s'il avait fait main, il m'a dit oui, mais ce n'était pas intentionnel. Pourtant, j'ai revu le ralenti, c'est clair pour tout le monde qu'on s'est fait avoir". Même son de cloche du côté de l'entraîneur adjoint, Liam Brady. "Je n'y crois pas beaucoup mais on est prêt à aller à Paris et à rejouer le match, sur leur pelouse, pour avoir un vrai gagnant", a-t-il ainsi déclaré à la BBC.
Trapattoni n'y croit pas
Les joueurs irlandais ont même reçu le soutien du Ministre de la Justice de leur pays. "Mon point de vue, c'est qu'il faudrait rejouer le match", a ainsi déclaré Dermot Ahern à la radio irlandaise Newstalk. "Ils (la Fifa) ne voudront probablement pas parce que nous ne comptons pour rien dans le football mondial mais mettons-les au pied du mur", a continué M. Ahern avant de conclure: "C'est la moindre chose que nous devons aux milliers de jeunes supporters de notre pays anéantis. Sinon, si ce résultat est maintenu, cela confortera le fait que les tricheurs sont récompensés".
Néanmoins, une voix s'est élevée contre ces élans d'espoir, celle de Giovanni Trapattoni, le sélectionneur des "Boys in green". Du haut de son immense expérience, l'Italien s'est déclaré sceptique. "Je sais que c'est impossible. Quand un arbitre décide, c'est la fin du match pour moi", a-t-il expliqué en conférence de presse. Si la Fifa reste pour le moment sur sa position, la Fédération irlandaise pense tenir entre ses mains un argument de poids puisque, selon elle, l'instance mondiale a déjà annulé un match en 2005 entre l'Ouzbékistan et Bahreïn sur la base d'une "erreur technique de l'arbitre". La Fifa ne doit désormais plus tarder pour clore définitivement le débat.
Le couperet est passé si près... A une main d'Henry ou un arrêt de Lloris près, Raymond Domenech se serait peut-être réveillé jeudi matin dans la peau d'un ex-sélectionneur de l'équipe de France, objet d'une vindicte populaire qu'a connu en son temps Gérard Houllier. Au lieu de ça, l'intéressé, qui a esquivé mercredi toutes les questions sur la pâle prestation tricolore face à l'Eire (1-1), fera le voyage en Afrique du Sud, mais pas vraiment conforté dans sa position...
Domenech brandit le poing, il ira en Afrique du Sud (Reuters).
Raymond, il faut vraiment que toi et tes gars vous vous mobilisiez, sinon on ne va pas être bien en Afrique du Sud !". Non, ce n'est pas le cri du coeur d'un supporter lambda après le triste France-Eire de mercredi qui a vu la France arracher une qualification miraculeuse pour la Coupe du monde 2010, mais bien celui de Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé et des Sports qui, jeudi matin, au micro de RTL a interpellé ainsi le sélectionneur. Preuve que même si, comme il l'a souligné mercredi, "l'objectif de la qualification est atteint", Raymond Domenech ne parvient toujours pas à réunir l'union sacrée autour de lui. Pire, sa cote de popularité, déjà bien basse avant le match, comme l'ont souligné les nouveaux sifflets du Stade de France lors de la présentation des équipes, n'a pas vraiment grimpé après, beaucoup n'ayant guère apprécié ses commentaires et notamment son refus d'évoquer le contenu catastrophique du match des Bleus.
On a ainsi eu le droit juste après la rencontre à un très vif échange sur RTL, pourtant la radio partenaire de l'équipe de France, entre le sélectionneur et un Bixente Lizarazu interloqué par la pauvreté du jeu tricolore. "J'accepte l'idée que l'important, c'est la qualification, mais toute l'équipe est passée à travers, il n'y a pas eu un moment où l'équipe de France a réagi, l'équipe de France est passée à côté de l'événement", a ainsi attaqué le champion du monde, s'attirant une réplique cinglante de son interlocuteur: "Non, ce soir, on ne s'interroge pas, on est heureux parce qu'on est qualifiés. Ce soir, c'est l'émotion qui compte, le bonheur. Participez à la fête, une fois de temps en temps ! On a suffisamment souffert et bataillé, on ne va pas faire les rabat-joie, la manière n'y était pas, je suis d'accord, mais je ne suis pas dans ce débat, on a neuf mois pour se préparer tranquillement. Et puis Liza, tu es bien passé pour le savoir, vous vous êtes qualifiés une fois pour l'Euro 2010 (sic, il voulait dire l'Euro 2000, ndlr) sur un penalty contre Andorre à cinq minutes de la fin. Des fois, les qualifications sont miraculeuses, et cette année-là, vous avez gagné le Championnat d'Europe."
Même Jacquet s'interroge...
On n'en déduira pas avec certitude que la France sera championne du monde en Afrique du Sud, mais cet échange est finalement assez révélateur du peu d'enthousiasme, voire du profond scepticisme, qui entoure la personnalité d'un sélectionneur n'ayant pas réussi à trouver les mots ni les solutions mercredi pour inverser le cours d'une rencontre qui échappait à ses joueurs. La pauvreté de la prestation tricolore a même interpellé Aimé Jacquet, en général peu porté sur la polémique: "Cette équipe de France, qui a du potentiel, a souvent été malmenée et c'est une grande surprise pour moi. Je pensais qu'après ce bon résultat en Irlande, on serait plus dominateurs, audacieux. On a subi souvent et on est passés très près de la correctionnelle", a ainsi constaté sur Europe 1, l'entraîneur des Français champions du monde. Si les joueurs sont sans doute, sur ces 120 minutes, les premiers responsables, incapables de puiser dans le contexte des raisons de se transcender et d'une maladresse technique rarement vue à ce niveau, au contraire d'Irlandais admirables de courage et d'envie, on pourra toujours s'interroger sur le fossé qui sépare toujours Raymond Domenech de ses troupes.
Car on imagine qu'à la pause, l'intéressé a dû secouer Henry et consorts, apparus tétanisés lors de 45 premières minutes d'une infinie faiblesse. Le résultat ? Dès leur retour sur la pelouse, les Bleus passent à deux doigts de la catastrophe sur une action qui ferait bondir de son banc n'importe quel entraîneur, un coup franc de Lawrence pour O'Shea, totalement oublié au deuxième poteau par une défense tricolore apathique. Mais ce n'est visiblement pas le sentiment de Raymond Domenech qui, lors de la conférence de presse d'après-match, a rectifié, à propos du comportement de son équipe: "Pas apathique, ce n'est pas le mot. Elle a été bousculée par une super équipe d'Irlande qui a joué son va-tout. Essayez d'imaginer comment aborder ce genre de match quand vous êtes menés 1-0. Si on ne fait rien, on sait qu'on a perdu. Psychologiquement, c'est presque plus facile d'aborder ce genre de match quand on est menés 1-0 que quand on mène 1-0." S'il a toujours défendu ses joueurs, la réciproque n'est pas forcément vraie et c'est finalement le plus inquiétant au moment de préparer une nouvelle campagne mondiale.
Le Graët: "Le sélectionneur qui vient de qualifier son équipe sera évidemment sur le banc de touche"
La question du renvoi de Raymond Domenech aurait sans doute été rapidement tranchée en cas d'échec mercredi, celle de son maintien semble l'être tout aussi rapidement, puisqu'on voit mal ceux qui n'ont pas osé couper le cordon après l'échec de l'Euro 2008 se séparer aujourd'hui d'un homme qui, bon an mal an, a rempli la première partie de sa mission, qualifier la France pour sa quatrième phase finale de Coupe du monde consécutive. Interrogé jeudi matin sur l'antenne de RTL, le vice-président de la FFF, Noël Le Graët, a d'ailleurs été clair sur le sujet: "Depuis 18 mois, c'est très très dur. L'équipe de France, il lui manque un petit brin d'amour, un petit brin d'estime, c'est la faute à tout le monde. Il n'y a pas de problème Domenech. On l'a maintenu, et moi, j'ai beaucoup d'estime pour lui, il est extrêmement courageux d'être à la tête de cette équipe malgré un environnement difficile dont il est quelque fois responsable en communication."
Son maintien est-il dès lors assuré ? "Evidemment. Non seulement il a un contrat mais même s'il n'en avait pas, le sélectionneur qui vient de qualifier son équipe sera évidemment sur le banc de touche." Les détracteurs de Raymond Domenech, qui ont dû un temps se demander mercredi ce qu'il allait trouvé comme pirouette pour commenter son échec, après la demande en mariage de l'Euro 2008, en seront pour leurs frais, ils devront, pour au moins huit mois encore, composer avec un homme qui, depuis son entrée en fonction, n'a jamais fait l'unanimité. Mais après tout, c'est le métier qui veut ça... N'est-ce pas, Aimé Jacquet ?
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